mardi 20 novembre 2012

Nouvelle cuisine (餃子)



Réalisation : Fruit Chan
Scénario : Pik Wah Li
Avec : Pauline Lau, Tony Leung Ka Fai et Bai Ling
Durée : 1h31mn
Année : 2004

L'histoire : 
Ching Lee, une ancienne star approchant la quarantaine, est décidée à retrouver sa beauté d'antan pour reconquérir son infidèle mari. Elle s'adresse alors à Mei, une cuisinière charismatique qui a pour spécialité les jiaozi, raviolis à la vapeur typiques de la cuisine chinoise. Vendus à prix d'or, les jiaozi de Mei, à l'étrange éclat rosâtre, sont réputés pour leurs vertus rajeunissantes.
Ching, prête à tout pour retrouver sa jeunesse, ne se soucie guère de connaître les ingrédients de la recette secrète de Mei. Quitte à en payer le prix fort plus tard...


Nouvelle cuisine est en fait la version longue d'un court-métrage sorti dans la trilogie horrifique 3 extrêmes. Vue la qualité de ce segment, il méritait amplement d'être présenté sous cette nouvelle forme. Le réalisateur a décidé dans son récit de représenter l'horreur dans une réalité actuelle : besoin de rester jeune, avortements illégaux, ...

L'histoire montre à quel point certaines personnes sont prêtes à aller très loin pour conserver une illusion du bonheur. Le réalisateur joue beaucoup sur le symbolisme aussi bien dans les couleurs que dans les formes, et il profite de son scénario pour lancer une critique cynique et peu reluisante de la société actuelle.

La photographie du film est signée Christopher Doyle, le plus asiatique des directeurs photo australiens. Il doit principalement sa renommée pour avoir été le collaborateur de Wong Kar Wai sur la quasi-totalité de ses films. Il apporte une sensualité dans le choix couleurs, qui laisse transparaitre la chaleur et l'humidité du sud-est asiatique. Pour ceux qui le connaissent, ce n'est pas un secret, le vert est la couleur de prédilection de Doyle (jetez un œil à l'appartement de Mei, entre autre). Et il est vrai que c'est la couleur qui retranscrit le mieux cette moiteur et cette sensualité.

Ceci est également renforcé par la réalisation de Fruit Chan qui mêle brillamment nourriture et sexe, dans une représentation qui oscille régulièrement entre le sensuel et l'horreur (on dirait du Cronenberg...). La bande-son joue beaucoup là-dessus avec les bruits volontairement mis en avant (voire exagérés) des scènes de "dégustations" de jiaozi et celles de sexe. Les plans de préparation des raviolis sont tournés au plus près et réussissent à mettre mal à l'aise en n'en montrant finalement pas tant que ça (mais quand un peu, âmes sensibles s'abstenir).

Pour revenir sur le son, la musique est excellente, souvent dominée par du violoncelle qui rend toujours aussi bien le sentiment oppressant. Elle alterne avec des bruits qui nous donnent une impression expérimentale qui participe bien à l'ambiance dérangeante de l’œuvre.





dimanche 11 novembre 2012

Frankenweenie



Réalisation : Tim Burton
Scénario : John August
Avec : Charlie Tahan, Winona Ryder, Martin Landau
Durée : 1h27mn
Année : 2012

L'histoire :
Après la mort soudaine de Sparky, son chien adoré, le jeune Victor fait appel au pouvoir de la science afin de ramener à la vie celui qui était aussi son meilleur ami. Il lui apporte au passage quelques modifications de son cru… Victor va tenter de cacher la créature qu’il a fabriquée mais lorsque Sparky s’échappe, ses copains de classe, ses professeurs et la ville tout entière vont apprendre que vouloir mettre la vie en laisse peut avoir quelques monstrueuses conséquences…


Tim Burton est de retour avec son 3ème long-métrage d'animation. Et quel film !

Pour la petite histoire, Frankenweenie est le remake d'un court-métrage de Burton datant de 1984. Le film de l'époque avait été réalisé avec de vrais acteur (Barret Oliver dans le rôle titre. Vous savez, le gamin de l'Histoire sans fin...). Le passage à l'animation image-par-image lui permet de revenir à nouveau à une technique qu'il chérit, tout en approfondissant le sujet qu'il avait effleuré à l'époque.

Ici, le maître-mot est hommage. Hommage principalement au cinéma d'horreur des années 30 avec en tête évidemment Frankenstein et sa suite La fiancée de Frankenstein (magnifique Edgar, référence à Igor le bossu ; la chienne Perséphone qui reprend la coiffure de la Fiancée). On notera également un clin d'oeil à Christopher Lee et aux films de la Hammer avec un petit extrait du Cauchemar de Dracula.

Au-delà des personnages, la réalisation et la photographie en noir et blanc (pouvait-il en être autrement ?) reprenne merveilleusement l'ambiance de ces classiques de l'horreur. Le cimetière des animaux, le moulin à vent, le "laboratoire" de Victor sont autant de décor somptueux qui ravissent la rétine des amateurs.

Ce film représente la quintessence de l'univers de Tim. Il réunit tant de sujets chers au réalisateur : l'animation image-par-image, le cinéma d'horreur classique, le dessin des personnages (la fille bizarre au chat qui est en fait une reprise de la Staring Girl de son recueil de poèmes La triste fin du petit enfant huître et autres histoires), ...

Peut-on apprécier le film pleinement si l'on est pas fan du grand Tim ? Difficile à dire, vu que je le suis... Mais en même temps, on peut en dire autant d'un grande partie de sa filmographie. Pour moi, c'est du tout bon ! Et clairement à classer parmi ses meilleures œuvres.





vendredi 5 octobre 2012

Después de Lucía



Réalisation : Michel Franco
Scénario : Michel Franco
Avec : Tessa Ia, Gonzalo Vega Jr., Tamara Yazbek
Durée : 1h43mn
Année : 2012

L'histoire :
Lucia est morte dans un accident de voiture il y a six mois ; depuis, son mari Roberto et sa fille Alejandra, tentent de surmonter ce deuil. Afin de prendre un nouveau départ, Roberto décide de s’installer à Mexico. Alejandra se retrouve, nouvelle, dans une classe. Plus jolie, plus brillante, elle est rapidement la cible d’envie et de jalousie de la part de ses camarades. Refusant d’en parler à son père, elle devient une proie, un bouc émissaire.


Le film traite de deux thématiques apparemment sans lien. Le début du film parle du deuil, qui n'est pas un sujet nouveau au cinéma. La suite dévie rapidement vers la maltraitance et les brimades subies par une adolescente de la part de ses camarades de classe. Et c'est lorsque le lien se crée entre ces deux sujets que l'approche du deuil en devient plus originale.

Les attaques physiques et morales dont Alejandra fait les frais sont d'une intensité perturbante. D'autant plus que la caméra relativement fixe nous donne cette impression d'assister vraiment à ces actes avec cette frustration de ne pas pouvoir intervenir.

Tant qu'on parle de la caméra, on constate aussi que celle-ci se place souvent assez bas, à la hauteur de la jeune fille (technique classique qui ajoute à l'empathie du spectateur pour le personnage), voire même parfois légèrement en dessous de sa taille, ce qui met en valeur sa ténacité face à ce qu'elle encaisse. Mention spéciale à l'actrice Tessa Ia qui, du haut de ses 17 ans nous en met plein la vue.

D'ailleurs, on se rend bien compte qu'à la comparaison, du père et de la fille, c'est bien Alejandra qui résiste le mieux aux difficultés de la vie. Lorsqu'on regarde de plus près, le père montre clairement des signes de faiblesse face au deuil, malgré cette espèce de carapace de placidité qu'il revêt devant tout le monde. Alejandra, elle, prend coup sur coup et trouve toujours le moyen de passer les épreuves, de garder la tête hors de l'eau (d'où la métaphore de la nage ?).

L'histoire et la mise en scène très épurée sont d'une force impressionnante et on sort de là en ayant le sentiment de s'être pris une grande claque émotionnelle. Le genre de film qui marque pendant un moment.




lundi 3 septembre 2012

La grande illusion



Réalisation : Jean Renoir
Scénario : Charles Spaak, Jean Renoir
Avec : Jean Gabin, Pierre Fresnay, Eric von Stroheim
Durée : 1h54mn
Année : 1937

L'histoire :

Première Guerre mondiale. Deux soldats français sont faits prisonniers par le commandant von Rauffenstein, un Allemand raffiné et respectueux. Conduits dans un camp de prisonniers, ils aident leurs compagnons de chambrée à creuser un tunnel secret. Mais à la veille de leur évasion, les détenus sont transférés. Ils sont finalement emmenés dans une forteresse de haute sécurité dirigée par von Rauffenstein. Celui-ci traite les prisonniers avec courtoisie, se liant même d'amitié avec Boeldieu. Mais les officiers français préparent une nouvelle évasion.


La grande illusion est le film qui a fait entrer Jean Renoir dans la liste des grands maîtres du cinéma. Le film est servi par des acteurs absolument magistraux, Gabin, Fresnay et Von Stroheim en trio de tête évidemment, mais également les autres personnages incarnés par Dialo ou Parlo. L'histoire montre aussi bien les allemands que les français sous un jour très humain où les individus sont embarqués malgré eux dans un conflit qui les dépasse. Le fait d'ailleurs de montrer les allemands sous ce jour à la veille de la guerre contre le régime nazi n'a pas dû faire réellement l'unanimité à l'époque.

Le film marque bien les absurdités de la guerre sans en montrer un seul combat. En se passant entièrement dans des camps de prisonniers, les rapports entre les soldats (du même camp ou ennemis) sont parfaitement mis en valeur. Ce qu'on constate en premier lieu est l'expression des différences de classes sociales dans l'armée. A l'intérieur même du camp, les prisonniers ne se mélangent pas vraiment dans leurs activités, tout comme on pourrait le voir dans la vie civile. La scène qui représente le plus cette idée est celle où les prisonniers comparent les types de maladie que chaque classe sociale a pour habitude d'avoir.

Au-delà de ça, le film porte beaucoup sur les rapports marqués d'un profond respect entre les gradés des deux camps adverses Boeldieu et Von Rauffenstein. Pendant une scène magnifique, ils se rendent compte qu'ils font partie d'une époque révolue de guerre qui obéissaient à un code précis et reconnaissait la valeur des combattants. A noter également la réplique "culte" de Boeldieu : alors qu'un geôlier le fouille, il se plaint du traitement qu'on réserve à un gradé. Celui-ci lui dit "Mais c'est la guerre". Ce à quoi Boeldieu répond "Je sais que c'est la guerre. Mais il y a moyen de la faire poliment !"

D'ailleurs le film est parsemé de dialogues et répliques savoureux dus à une très grande qualité d'écriture du scénario. La réalisation est aussi superbe et la photo en noir et blanc est somptueuse que ce soit dans les scènes d'intérieur qu'en décor naturels. Un grand classique du cinéma français à voir absolument !




vendredi 17 août 2012

Le samouraï



Réalisation : Jean-Pierre Melville
Scénario : Jean-Pierre Melville et Georges Pellegrin
Avec : Alain Delon, Nathalie Delon, François Périer
Durée : 1h45mn
Année : 1967

L'histoire :
Jeff Costello est un tueur à gages. Alors qu'il sort du bureau où git le cadavre de Martey, sa dernière cible, il croise la pianiste du club, Valérie. En dépit d'un bon alibi, il est suspecté du meurtre par le commissaire chargé de l'enquête. Lorsqu'elle est interrogée par celui-ci, la pianiste feint ne pas le reconnaître. Relâché, Jeff cherche à comprendre la raison pour laquelle la jeune femme a agi de la sorte.


Le Samouraï fait partie des grands classiques de Jean-Pierre Melville. D'ailleurs, on ne compte plus les talentueux réalisateurs qui s'en sont inspiré : Jim Jarmusch (Ghost Dog), John Woo (The Killer), ... Le film est devenu le maître-étalon pour les histoires de tueurs à gage solitaires vivant selon leur propre code. Je trouve d'ailleurs que Ghost Dog reste son plus bel hommage allant même jusqu'à reprendre la thématique du Bushido.

Alain Delon fait preuve plus que jamais d'un charisme incroyable. Pour preuve, il est quasiment mutique pendant le film et ne parle qu'avec parcimonie. Il réussit à retranscrire son personnage avec des postures, un regard et des silences. Son personnage de tueur est méthodique et ne laisse transparaître aucune émotion. L'appartement de Costello reflète le caractère du personnage, froid sans fioriture. Le Paris représenté par Melville est également très stylisé avec ses ruelles froides et son club de jazz.

On retrouve d'ailleurs cette froideur dans la photographie du film avec sa tonalité très grise et bleu, presque métallique. Le cadrage de Melville est extrêmement précis et virtuose, rien n'est laissé au hasard. Une des scènes marquantes du film en terme de réalisation est notamment la rencontre de Costello avec l'homme qui est censé lui remettre l'argent. La caméra posée face à chaque acteur en champ / contre-champ, droite et centrée, puis tout à coup ce travelling rapide à travers les barreaux du pont d'en face qui donne cette impression de chaos et de surprise.

Le Samouraï est pour résumer tout à fait représentatif de l'univers du cinéaste, dont le style et les personnages sont tellement reconnaissables qu'ils ont donné naissance au qualificatif melvillien. Honneur donné seulement aux plus grands.




samedi 11 août 2012

Faux-semblants (Dead Ringers)



Réalisation : David Cronenberg
Scénario : David Cronenberg et Norman Snider, d'après le roman Twins de Bari Wood et Jack Geasland
Avec : Jeremy Irons, Geneviève Bujold, Heidi von Palleske
Durée : 1h56mn
Année : 1988

L'histoire :
Deux vrais jumeaux, Beverly et Elliot Mantle, gynécologues de renom, partagent le même appartement, la même clinique, les mêmes idees et les mêmes femmes. Un jour, une actrice célèbre vient les consulter pour stérilité. Les deux frères en tombent amoureux mais si pour Elliot elle reste une femme parmi tant d'autres, pour Beverly elle devient la femme. Pour la première fois les frères Mantle vont penser, sentir et agir différemment.


Quand Cronenberg s'attaque à un sujet tel que la gémellité, on peut s'attendre à quelque chose de hors norme. Comme a pu le prouver sa filmographie (avec des classiques comme Vidéodrome ou La mouche), la thématique qui passionne ce réalisateur est bien le corps humain et ses mutations, toujours à la frontière du sensuel et de l'horreur. La femme qui créera le lien et la dissension entre les deux frères est une patiente qui souffre d'une malformation rare. La scène du cauchemar de Beverly nous rappelle de désir sexuel et de malformation que l'on retrouve entre autres dans des films comme Vidéodrome justement ou Crash.

Le traitement de ces deux frères jumeaux tend beaucoup vers la schizophrénie, sentiment renforcé par le fait qu'ils soient incarnés par un seul et même acteur, Jeremy Irons. On saluera d'ailleurs sa prestation tant il arrive à jouer sur les caractères et à différencier les personnages, à tel point qu'on ne peut confondre Beverly et Elliot à aucun moment dans le film.

On remarquera également cette touche particulière dans les costumes et les outils des gynécologues avec leur tenue rouge intégrale qu'ils revêtent pour leurs opérations chirurgicales. La scène où les assistants habillent Beverly qui se tient les bras en croix donne une impression de préparation à un rituel (service religieux, sacrifice ?). Lorsque Beverly commence à perdre pied, il conçoit des ustensiles étranges dont la forme tient plus de l'organique que du mécanique (je vous laisserai découvrir la finalité de ces objets étranges).

On a donc droit ici à un grand film mêlant la terreur et la sensualité avec une grande profondeur des personnages et qui nous emmène dans une expérience étrange et perturbante.





jeudi 9 août 2012

Les 14 amazones (十四女英豪)



Réalisation : Cheng Kang et Tung Shao-yung
Scénario : Cheng Kang
Avec : Lily Ho, Ivy Ling Po, Lisa Lu
Durée : 2h03mn
Année : 1972

L'histoire :
Trahis par un ministre véreux, les célèbres guerriers chinois de la famille Yang sont anéantis par l'armée du Roi du Hsia de l'Ouest.
Deux généraux ayant échappé au massacre annoncent la terrible nouvelle aux 14 veuves et filles Yang dirigées par la Grande Dame She Tai Chun. Profondément attristées mais également révoltées, les Amazones sont déterminées à partir sur le front pour défendre leur pays et venger les membres de leur famille, avec une nouvelle armée composée essentiellement de femmes.


L'intérêt de l'histoire est ici de mettre en avant les femmes dans la guerre, alors qu'elles sont habituellement laissées derrière à attendre le retour des hommes. Mettre en avant des héroïnes dans le cinéma chinois n'est pas un fait exceptionnel, car ce type de récit est classique dans la littérature et l'opéra. De toute façon, on remarquera que le héros, qu'il soit un homme ou une femme, n'est là que pour servir son pays (voir la scène ou l'héroïne doit choisir entre sauver son fils ou sauver son pays...).

Les 14 amazones donne la part belle à l'action. C'est un film à grand spectacle qui, comme avec la plupart des films de la Shaw Brothers, a comme objectif le pur divertissement. Et dans ce domaine, le film de Cheng Kang est un modèle du genre. L'histoire est excellente et fait honneur à la littérature d'aventure chinoise, les combats sont là à foison et comme souvent superbement chorégraphiés.

Le scénario s'inspire à la fois de l'histoire de la Chine et d'un opéra populaire chinois. Le film qui en résulte est une grande production épique. On a droit à plusieurs scènes grandioses dont le fameux pont humain complètement surréel, mais tellement représentatif des films d'aventures classiques chinois. Les héros sont surhumains et se mettent toujours en valeur avec des actions qui font d'eux quasiment des "super-héros".





lundi 6 août 2012

Qu'est-il arrivé à Baby Jane ? (What Ever Happened to Baby Jane?)



Réalisation : Robert Aldrich
Scénario : Lukas Heller, d'après le roman de Henry Farrell
Avec : Bette Davis, Joan Crawford, Victor Buono
Durée : 2h14mn
Année : 1962

L'histoire :
Au temps du cinéma muet, "Baby" Jane est une grande star, une des premières enfants prodiges. Sa soeur Blanche, timide et réservée, reste dans l'ombre. Dans les années 30, les rôles sont inversés, Blanche est une grande vedette, Jane est oubliée. Désormais, bien des années après, elles vivent en commun une double névrose. Blanche, victime d'un mystérieux accident, est infirme et semble tout accepter d'une soeur transformée en infirmière sadique qui multiplie les mauvais traitements...


Qu'est-il arrivé à Baby Jane est centré sur le choc des titans de deux actrices : Joan Crawford et Bette Davis. Le choix d'avoir pris deux grandes stars sur le déclin pour incarner ces soeurs rivales qui rêvent de leur gloire passée est une idée grandiose. Bette Davis est incroyable dans ce rôle de vieille fille perdue dans sa psychose et son alcoolisme. Elle est à la fois ignoble, sadique et pitoyable.

Cette histoire de séquestration d'une femme par sa propre soeur a de nombreuses scènes qui ont inspiré beaucoup de thriller jusqu'à aujourd'hui. Mais au-delà de la simple histoire de prisonnière, ce qui est intéressant est le fait que le film s'attarde sur la psychologie de ces deux soeurs qui restent toutes les deux perdues dans les souvenirs de leur gloire passée. Le côté anti-glamour de l'histoire et les actrices choisies à l'époque n'ont pas dû aider le film à trouver un producteur. Et c'était là l'idée de génie.

Blanche se plait à regarder les rediffusions de ses anciens films à la télévision et à recevoir des lettres de femmes, alors que sa soeur a sombré depuis longtemps dans l'alcoolisme en continuant à regarder sa poupée Baby Jane et en s'habillant comme la petite star qu'elle était. L'affrontement est terrible, le huis-clos est stressant et le suspense constant jusqu'à la révélation finale.




vendredi 3 août 2012

Outrage (アウトレイジ)



Réalisation : Takeshi Kitano
Scénario : Takeshi Kitano
Avec : Takeshi Kitano, Kippei Shiina, Ryo Kase
Durée : 1h49mn
Année : 2010

L'histoire :
Dans une lutte impitoyable pour le pouvoir, plusieurs clans yakuza se disputent la bienveillance du Parrain. Les caïds montent dans l'organisation à coups de complots et de fausses allégeances. Otomo, yakuza de longue date, a vu évoluer ses pairs : des tatouages élaborés et des phalanges sectionnées, ils sont passés à la haute finance. Leur combat pour arriver au sommet, ou du moins pour survivre, est sans fin dans un monde corrompu où règnent trahison et vengeance. Un monde où les héros n'existent pas...


Avec ce film, Takeshi Kitano revient pour la première fois depuis 10 ans au genre qui a fait sa popularité : le film de yakuzas. L'histoire se porte sur les luttes internes dans les clans mafieux pour accéder au pouvoir et récupérer les territoires des voisins. On assiste à une succession constante de trahisons et de coups montés où les chefs sont prêts à tout pour monter les marches du pouvoir.

Il est même parfois presque comique de voir deux "frères" yakuza se piéger entre eux et se revoir après en se disant qu'il s'agit certainement d'un malentendu. Au fur et à mesure de l'avancée du film, on comprend assez vite que personne ne tiendra aucune de ses alliances avec les autres et que c'est le plus malin qui l'emportera.

Contrairement à la plupart des précédents films de yakuza de Kitano, l'histoire et la mise en scène sont très bruts, avec peu de musique. Les scènes de dialogue s'enchainent avec celles des règlements de compte de manière systématique avec son lot de violence bien crue (mention spéciale à la visite chez le dentiste). Comme le dit l'un des personnages du film : "You know you're dealing with the yakuza, right?"... On ne retrouve malheureusement pas le côté poétique et fantaisiste que l'on avait par exemple dans Hana-bi avec les peintures ou Sonatine avec les scènes de jeu sur la plage. On ressentait également cette légèreté avec la musique du grand Joe Hisaishi qui a été longtemps le compositeur de Kitano (et de Miyazaki, soit dit en passant) jusqu'à son film Dolls.

Malgré tout, Outrage reste un bon film dans le genre mafieux, mais pas du niveau des chefs d’œuvre du réalisateur. A noter que la suite Outrage Beyond arrive en fin d'année et sera présentée à la Mostra de Venise en septembre.




jeudi 2 août 2012

Œil pour œil (Day of the Woman)



Réalisation : Meir Zarchi
Scénario : Meir Zarchi
Avec : Camille Keaton, Eron Tabor, Richard Pace
Durée : 1h41mn
Année :  1978

L'histoire :
Jennifer, jeune écrivain décide de partir à la campagne pour y écrire son futur roman. Sur place, les autochtones semblent charmants et l’accueillent sans réserve. Il faut dire qu’elle est la seule dans le coin. D’abord avenants, ils se montrent peu à peu envahissants, jusqu’au jour où une simple promenade se transforme en véritable cauchemar...


Le film d'aujourd'hui va nous permettre d'aborder un genre qui a eu ses lettres de noblesse dans les années 70-80 avec des films comme La femme scorpion, L'ange de la vengeance ou La dernière maison sur la gauche. J'ai nommé le Rape & Revenge. Pour ceux qui ne connaitraient pas, le scénario de ce type de film est construit de manière très binaire : le personnage subit une agression (viol, torture, ...) dans un premier temps, et la suite du film est basée sur le cheminement de ce personnage dans sa vengeance (en général, massacrer les agresseurs...).

Nous n'allons pas nous questionner ici sur l'intérêt moral de la chose, mon but n'étant pas de vous faire un cours de philo ou de psycho. Film connu également sous le titre I Spit on your Grave (titre renié par le réalisateur lui-même), Œil pour œil est un classique du genre. En revanche, ce qui peut changer par rapport à d'autres œuvres, c'est que les deux parties du film sont égales sur la durée. En effet, le réalisateur "s'acharne" longtemps sur la jeune fille et on peut dire qu'on suit son calvaire de bout en bout.

L'absence de musique dans tout le film donne un côté brut aux images qui intensifie la violence. On a un contraste très marqué entre des plans de nature paisible qui sont soudain bouleversés par les attaques des agresseurs (opposition qu'on retrouve avec par exemple la femme qui se promène paisiblement sur l'eau avec une barque et l'irruption des hommes dans un bateau à moteur dont le bruit semble déjà agresser la nature).

La deuxième partie du film suit l'enchainement des meurtres des quatre responsables (dont une séquence dans la baignoire bien sadique). Tout devient systématique et la vengeance se fera sans pitié.

En résumé, le film devrait plaire aux amateurs. Quelques défauts l'empêchent de se hisser au niveau des chefs d’œuvre du genre (notamment les acteurs qui sont loin d'être bons côté masculin, mais rattrapés par l’héroïne qui est excellente). Mais certains partis pris en font un film intéressant à découvrir.




lundi 30 juillet 2012

Le monstre est vivant (It's Alive)



Réalisation : Larry Cohen
Scénario : Larry Cohen
Avec : John P. Ryan, Sharon Farrell, James Dixon
Durée : 1h31
Année : 1974

L'histoire :
Une jeune Américaine accouche d'un bébé monstrueux et meurtrier qui, dès qu'il ouvre un oeil, assassine médecin et infirmières.


Nous avons là une bonne petite série B d'horreur avec un sujet très intéressant. Face à ce bébé pas comme les autres, les deux parents ne réagissent pas de la même manière. D'un côté la mère conserve son instinct maternel malgré l'horreur de la situation et de l'autre le père qui veut à tout prix se débarrasser lui-même de cette chose qu'il ne considère pas du tout comme sa progéniture. Il est ainsi intéressant d'observer la différence de réaction d'un parent confronté à la naissance d'un enfant anormal.

L'histoire pointe du doigt la dégradation de l'environnement à cause de l'homme, la radioactivité, l'industrie pharmaceutique, les politiques qui cherchent à étouffer un quelconque scandale. On assiste également à l'implosion de la cellule familiale confrontée au drame.

L'horreur est traitée ici avec une économie de moyen qui fait plaisir à voir. Beaucoup de vue subjective, on ne voit le monstre que partiellement, souvent dans la pénombre. Ce choix permet de conserver un suspense constant et une atmosphère stressante.

A savoir que le film de Larry Cohen a connu deux suites : Les monstres sont toujours vivants (qui serait apparemment également à découvrir) et La vengeance des monstres (moins intéressant, toujours selon les dires).




The Dark Knight Rises



Réalisation : Christopher Nolan
Scénario : Jonathan Nolan, Christopher Nolan
Avec : Christian Bale, Gary Oldman, Tom Hardy
Durée : 2h44
Année : 2012

L'histoire :
Il y a huit ans, Batman a disparu dans la nuit : lui qui était un héros est alors devenu un fugitif. S'accusant de la mort du procureur-adjoint Harvey Dent, le Chevalier Noir a tout sacrifié au nom de ce que le commissaire Gordon et lui-même considéraient être une noble cause. Et leurs actions conjointes se sont avérées efficaces pour un temps puisque la criminalité a été éradiquée à Gotham City grâce à l'arsenal de lois répressif initié par Dent.
Mais c'est un chat – aux intentions obscures – aussi rusé que voleur qui va tout bouleverser. À moins que ce ne soit l'arrivée à Gotham de Bane, terroriste masqué, qui compte bien arracher Bruce à l'exil qu'il s'est imposé. Pourtant, même si ce dernier est prêt à endosser de nouveau la cape et le casque du Chevalier Noir, Batman n'est peut-être plus de taille à affronter Bane...


Dernier volet de la trilogie Batman version Christopher Nolan, le paquet a été mis pour finir en beauté. La ville de Gotham est ici menacée de destruction par le nouveau méchant de service, Bane. Incarné par le génial Tom Hardy, il fait partie des stars montantes du moment et collabore déjà pour la deuxième fois avec Nolan après l'excellent Inception.

On assiste ici à la chute et la renaissance magistrale du héros, afin qu'il redevienne à nouveau un symbole pour le peuple. Le personnage de Catwoman est également très bien intégré dans l'histoire et joliment interprété par Anne Hathaway. Bane est impressionnant de voix et de muscles, même s'il pâtit malheureusement de la comparaison avec le Joker de The Dark Knight où Heath Ledger nous avait délivré une interprétation difficilement surpassable dans le genre.

On retrouve à nouveau la virtuosité du réalisateur à tourner les scènes d'action et son style fait de plans très soignés et de mouvement de caméra extrêmement souples. On constate notamment son habitude à filmer les courses poursuites avec la caméra proche du sol, ce que l'on avait déjà dans ses deux précédents films The Dark Knight et Inception. La force de Nolan est bien de savoir conter les histoires tout en offrant une forme visuelle captivante.

L'histoire est très bien écrite et l'action constante, malgré la longueur du film. La saga de la chauve-souris bénéficie même d'une conclusion de qualité qui satisfaira tout le monde.





mardi 24 juillet 2012

Michael Shannon



J'inaugure aujourd'hui la rubrique Acteurs avec Michael Shannon et vais vous expliquer pourquoi c'est un grand acteur en quelques films.

Bug de William Friedkin : parce qu'il montre pour la première fois son talent à jouer des personnages dérangés. Une descente aux enfers totale où il emmènera Ashley Judd avec lui.

Les noces rebelles de Sam Mendes : parce qu'il est l'élément catalyseur qui va déceler la faille dans le couple DiCaprio/Winslet et qui va leur faire prendre conscience de leur réel malaise. Petit rôle, mais avec beaucoup d'impact.

Dans l'oeil d'un tueur de Werner Herzog : parce qu'il réussit à incarner un homme dont le cheminement étrange et mystique le mènera à assassiner sa mère. La question et l'intérêt du film : pourquoi ?

Les Runaways de Floria Sigismondi : parce qu'il est excellent en manager exubérant du groupe de Joan Jett.

Take Shelter de Jeff Nichols : parce qu'il nous fait douter jusqu'au bout sur l'état mental de ce père de famille persuadé que la fin du monde approche et qu'il doit sauver sa femme et sa fille.


Pee Wee Big Adventure (Pee-wee's Big Adventure)



Réalisation : Tim Burton
Scénario : Phil Hartman, Paul Reubens, Michael Varhol
Avec : Paul Reubens, Elizabeth Daily, Mark Holton
Durée : 1h30mn
Année : 1985

L'histoire :
Pee Wee, un adulte qui ressemble à un enfant, s'apprête à passer une belle journée avec l'amour de sa vie : sa bicyclette. Mais cet objet vient d'être volé par le méchant Francis. Pee Wee part à la recherche de son amour perdu et nous entraîne dans des aventures de plus en plus burlesques.


Le 1er film de Tim Burton est déjà révélateur de ses obsessions qu'on retrouvera régulièrement dans sa filmographie. Pee Wee tourne autour d'un personnage atypique qui vit dans son propre monde qu'il s'est créé : une maison pleine de jouets et de gadgets loufoques, avec pour principal ami son chien (compagnon obligé du banlieusard américain qu'on retrouve dans son court-métrage Frankenweenie ou dans Edward aux mains d'argent).

Le personnage de Pee Wee Herman a été créé par l'acteur Paul Reubens pour une émission TV. Et bien que ce film était un film de commande pour Tim, on constate qu'il a su rendre ce film plus personnel qu'il n'y paraitrait.

Le film est une succession de scènes où le héros croise toute une galerie de personnages colorés, jusqu'à l'apothéose finale de la course poursuite dans les studios Warner où on assiste à un passage en revue de tous les classiques et clichés du cinéma dans une allure effrénée qui rappellerait l'époque du cinéma muet burlesque.

On retrouve également deux scènes où Burton fait appel à la technique du Stop Motion qu'il a toujours adorée : le rêve de Pee Wee avec le dinosaure et la rencontre avec Large Marge. Pour les amateurs du cinéaste, ce film est un vraiment bonheur d'humour décalé et de personnages originaux. Et on a même droit à un clin d’œil à son obsession pour les clowns (dont il a horreur) lors du vol du vélo avec cet automate moqueur qui semble agresser Pee Wee de son rire sadique.





samedi 30 juin 2012

Monsters



Réalisation : Gareth Edwards
Scénario :  Gareth Edwards
Avec : Scoot McNairy, Whitney Able, Mario Zuniga Benavides
Durée : 1h34mn
Année : 2010

L'histoire :
Une sonde de la NASA s’écrase dans la jungle mexicaine, libérant sur terre des particules d’une forme de vie extra-terrestre. Six ans plus tard, le Mexique et le Costa-Rica sont devenus des zones de guerre désertées par les populations locales, mises en quarantaine et peuplées de créatures monstrueuses. Un photographe est chargé d’escorter une jeune femme à travers cette zone dévastée. Seuls sur la route, ils vont tenter de rejoindre la frontière américaine...


Ces derniers temps, le film d’aliens a subi un renouveau en explorant des chemins scénaristiques différents de la classique invasion du style Independance Day (soit, il est vrai que je ne site pas le meilleur…). Tout d’abord, District 9, dont je vanterai peut-être les mérites dans un futur article, a ouvert la voie avec son apartheid du 3ème type.

Aujourd’hui nous arrive une production indépendante qui joue admirablement avec les codes du reportage de guerre. L’idée ici est de représenter l’invasion extra-terrestre sous la forme du road movie / reportage de guerre (Salvador, The Killing Fields, Boat People, …). Lors de cette traversée du pays, nous observons la (sur)vie des habitants face aux conflits armée/créatures, l’exode des populations qui essaient de fuir la misère et la souffrance, …

Le fait que le film soit entièrement tourné caméra à l’épaule renforce ce sentiment de cinéma-vérité. L’histoire se base sur des personnages très simples incarnés par des acteurs inconnus (volontaire ou question de budget, peu importe, ils n’en sont que plus crédibles). Elle est axée avant tout sur le drame humain et c’est ça qui fait l’originalité et la force du film.

Ce premier film est une vraie réussite et je garderai le nom de Gareth Edwards en tête pour voir si nous avons là un nouveau réalisateur à suivre.





mercredi 27 juin 2012

Salo ou les 120 journées de Sodome (Salò o le 120 giornate di Sodoma)



Réalisation : Pier Paolo Pasolini
Scénario :Pier Paolo Pasolini, Sergio Citti
Avec : Paolo Bonacelli, Giorgio Cataldi, Umberto Paolo Quintavalle
Durée : 1h56mn
Année : 1975

L'histoire : 
Durant la République fasciste de Salo, quatre seigneurs élaborent un règlement pervers auquel ils vont se conformer. Ils sélectionnent huit représentants des deux sexes qui deviendront les victimes de leurs pratiques les plus dégradantes. Tous s'enferment alors dans une villa près de Marzabotto afin d'y passer 120 journées en respectant les règles de leur code terrifiant.


Il est difficile d’écrire sur Salo. Malgré l’âge du film, il dérange toujours autant (le mot "choc" n’est pas galvaudé ici). C’est une œuvre qui n’est pas à mettre entre toutes les mains car difficile à aborder. Je n’ai personnellement pas lu l’œuvre de Sade, donc je n’entrerai pas dans une analyse de l’adaptation. Je me contenterai d’un avis de néophyte sur ce sujet.
La structure narrative reprend les 3 grandes parties du roman (d’après ce que j’ai pu en lire) : le cercle des passions, le cercle de la merde et le cercle du sang. Pasolini a ajouté à cela un enchaînement vertical basé sur l’Enfer de Dante (autre œuvre que je n’ai pas lu, mea culpa…). L’horreur et le dégoût vont crescendo dans le film, même si le cercle de la merde est en général la partie qui marque le plus le spectateur.

Les actes ne sont pas forcément les parties les plus terrifiantes (mais quand même…). Les scènes de « narration » où les maquerelles content leurs expériences sont d’autant plus écœurantes qu’elles utilisent un ton jovial accompagné d’une musique douce au piano. Le fait de contrebalancer les propos de cette manière les met, de mon avis, encore plus en valeur.

Malgré une petite lueur d’espoir qui apparaît lors d’une brève scène (le poing levé), le film ne laisse aucune échappatoire. Dès le début du film, les tortionnaires font bien comprendre que c’est ici que tout se termine. Nous sommes en enfer et personne ne sera là pour nous sauver. Une excellente démonstration de ce qu’ont pu ressentir les victimes du fascisme pendant la seconde guerre mondiale.

Au-delà de ça, on peut voir également dans cette œuvre une dénonciation de ce qu’est capable l’homme lorsqu’il se laisse prendre au jeu du pouvoir. Les maîtres ici abusent de leurs « esclaves » et agissent sur eux comme s’ils jouaient avec des marionnettes, avec pour seule limite leur imagination (qui est malheureusement trop grande…). Pasolini aurait même tendance à généraliser son discours à toute forme de pouvoir, ce qui peut paraître exagéré (je vous laisserez vous faire votre propre avis sur la question).

Côté réalisation, pas grand-chose à redire. Évidemment, nous sommes en présence d’un maître qui dirige son film avec brio. Les plans sont filmés comme des tableaux (une marque de Pasolini, je trouve), les acteurs principaux sont excellents (horribles, donc parfaits pour leur rôle) et la musique très bien choisie.

Au final, je ne dirai pas que j’aime le film (il m’a quand même laissé un poids sur l’estomac), mais je pense qu’il est très intéressant à découvrir pour ceux qui ont le courage...





mardi 26 juin 2012

Arrivederci amore, ciao



Réalisation : Michele Soavi
Scénario : Marco Colli, Franco Ferrin, Heidrun Schlee, Michele Soavi, Gino Ventriglia, d'après le roman de Massimo Carlotto
Avec : Alessio Boni, Michele Placido, Isabella Ferrari
Durée : 1h47mn
Année : 2006

L'histoire : Giorgio, un gauchiste idéaliste devenu terroriste, retourne en Italie après un exil en Amérique Centrale afin de mener une vie normale. Faisant chanter d'anciens militants, il obtient une peine de prison réduite. Une fois libéré, il sombre inexorablement dans une spirale infernale faite de violence et de crime.


Michele Soavi est un réalisateur italien peu connu du grand public car il a fait peu de films et qu’il s’est principalement illustré dans le genre horrifique. Auteur de l’excellent Dellamorte Dellamore (un classique pour les amateurs du genre), il s’illustre ici dans le film noir avec un tel brio que l’on en redemande.

Soavi est un virtuose de la caméra. Les plans sont magnifiques et les prises de vue très dynamiques en multipliant les angles et mouvements complexes. Tout ceci est nourri par de brillantes idées de mises en scène, par exemple, lorsque les souvenirs du personnage principal ressurgissent dans différentes scènes du film.

Le choix de la musique est du meilleur goût avec des classiques du rock des années 70 (Deep Purple) qui sied à merveille au monde de la nuit, tout en faisant le lien avec le passé révolutionnaire du personnage principal.

Michele Placido joue un personnage d’une noirceur terrifiante. On savait qu’il était bon derrière la caméra avec Romanzo Criminale et on peut voir ici toute l’étendue de son jeu d’acteur. On ressent clairement cette dualité extrême entre l’envie de se réhabiliter et son attirance pour l’argent facile et la violence. Nous voyons bien à plusieurs reprises dans le film qu’il n’y a pas de dilemme et que sa vraie personnalité est toujours présente de manière plus ou moins latente.

A noter que la scène finale est magistrale et, sans dévoiler l’intrigue, fait preuve d’une tension énorme et se révèle être réellement effrayante et fascinante à la fois.





L'aurore (Sunrise: A Song of Two Humans)



Réalisation : F. W. Murnau
Scénario : Carl Mayer
Avec : George O'Brien, Janet Gaynor, Margaret Livingston
Durée : 1h34mn
Année : 1927

L'histoire :
Un pêcheur s'éprend d'une citadine aux allures de vamp. Sous l'influence de celle-ci, il décide de noyer son épouse, mais change d'avis une fois sur la barque. Effrayée, la femme fuit en ville. Elle est bientôt rejointe par son mari, désireux de se faire pardonner.


Comme annoncé dans le texte introduisant le film, L'aurore raconte une histoire universelle, celle d'un homme et d'une femme. L'histoire d'un amour qui va renaître et aller au-delà de cette tentation de voir et connaître autre chose. Cette tentation est personnalisée par une femme qui vient de la ville et qui représente la curiosité de l'inconnu pour celui qui vit à la campagne. On retrouve clairement cette opposition dans la représentation de la femme : la femme rangée et idéalisée est blonde, la tentatrice "délurée" est brune, d'un côté la lumière, de l'autre les ténèbres. Cette tentation conduira l'homme quasiment jusqu'au crime. Le couple se retrouve alors à la ville, un peu comme pour affronter cette inconnue, et c'est là même qu'ils retrouveront cet amour qu'ils semblaient avoir perdu.

Les oppositions entre le jour et la nuit sont magnifiquement représentées par Murnau. Les scènes de nuit sont parfois proches d'un décor fantastique, voire d'épouvante. La photographie est superbe et on a droit à plusieurs plans avec des mouvements de caméra extrêmement maîtrisés. Comme souvent chez Murnau, il y a très peu de cartons et l'histoire reste limpide. Tout repose sur le jeu des acteurs et la caméra. On a quand même droit à quelques sons placés judicieusement (cloches et autres cris), qui accentuent ou participent au symbolisme de certaines scènes.

L'aurore reste une histoire simple, mais qui est réalisée brillamment, remplie d'émotions et qui parlera à tout le monde.





samedi 23 juin 2012

Orange mécanique (A Clockwork Orange)



Réalisation : Stanley Kubrick
Scénario : Stanley Kubrick, d'après le roman d'Anthony Burgess
Avec : Malcolm McDowell, Patrick Magee, Michael Bates
Durée : 2h16mn
Année : 1971

L'histoire :
Au XXIème siècle, où règnent la violence et le sexe, Alex, jeune chef de bande, exerce avec sadisme une terreur aveugle. Après son emprisonnement, des psychanalystes l'emploient comme cobaye dans des expériences destinées à juguler la criminalité...


Orange mécanique tourne autour du personnage d'Alex qui est un individu clairement mauvais auquel la société offre une seconde "chance" en lui enlevant toute envie répréhensible au moyen d'une nouvelle méthode scientifique plutôt douteuse. Cette technique de lavage de cerveau le rendra malade à chaque fois qu'il essaiera d'agir de manière violente. Le propos du libre arbitre est d'ailleurs souligné dans le film notamment à travers la déclaration du prêtre de la prison qui dénonce ce conditionnement forcé qui enlève cette possibilité de choix qui caractérise l'Homme. Il est intéressant également de voir le personnage repasser par ses différentes victimes dans la 3ème partie du film et subir leur revanche comme s'il s'agissait d'un passage au purgatoire. Ce qui le mènera au final vers une rédemption ironique dans un dernier plan révélateur.

Le film a depuis sa sortie une réputation d’œuvre violente et malgré l'atténuation de sa représentation comparé à d'autres œuvres plus récentes, il n'a pas perdu d'intérêt sur son propos. Les choix artistiques sont osés avec l'exemple du décor hallucinant du bar où se retrouvent régulièrement Alex et ses droogies (avec les statues de femmes nues qui déversent de leur sein leur cocktail favori). Grâce à la réalisation de Kubrick, on a le droit à de nombreuses scènes qui sont depuis devenues cultes et à une alliance des images et de la musique absolument géniale comme il sait si bien le faire depuis 2001, l'odyssée de l'espace. C'est d'ailleurs au travers de la musique (Beethoven) qu'Alex retrouve toute son inspiration, ce que l'on peut constater dans une scène dérangeante où il écoute la 9ème symphonie et où le spectateur a droit à un enchainement d'images violentes de son esprit torturé.





vendredi 22 juin 2012

L'expo Tim Burton à la Cinémathèque

Le week-end dernier, je suis allé faire un tour à la Cinémathèque pour voir l'exposition Tim Burton qui se déroule du 7 mars au 5 août. C'était le samedi et évidemment la queue était assez importante. Finalement, nous ne nous en sommes pas trop mal tiré car nous avons mis une grosse 1/2 h pour arriver aux caisses.

Cette expo est en fait celle qui a été conçue par le Museum of Modern Art (le MoMA pour les intimes...) en 2009. Après être passée par New York, Melbourne, Toronto et Los Angeles, la France a eu le privilège de l'accueillir à Paris cette année.

Je dois avouer que j'ai été agréablement surpris par le contenu de cette expo. Je m'attendais à une présentation assez classique de la filmographie du réalisateur, mais bien que nous ayons eu droit à un passage en revue de son œuvre cinématographique, le plus intéressant est la quantité faramineuse de peintures, dessins et sculptures pour la plupart inédits ou méconnus. Toute sa carrière est passée en revue avec tous les aspects artistiques qu'il a pu explorer.

On peut y voir un ensemble de photographies qu'il a faites dans les années 90 (Blue Girl), des sculptures qu'il a réalisé spécialement pour l'exposition à New York, des dessins et moulages des personnages qu'il avait créés pour son recueil La triste fin du petit Enfant Huître et autres histoires, des courts-métrages de jeunesse jusque là invisibles du public... A côté de toutes ses raretés, nous pouvons suivre la carrière cinématographique complète du réalisateur au travers de différents croquis, storyboards, accessoires et costumes (mention spéciale pour la tenue d'Edward qui est impressionnant de détails dans sa conception). Tout est passé en revue de ses débuts chez Disney jusqu'à son prochain film d'animation Frankenweenie prévu cet automne. Je vous laisse découvrir comment Burton avait imaginé Taram et le chaudron magique à l'époque : on est loin de la vision classique des studios de Mickey...

L'exposition se déroule sur un seul étage de la Cinémathèque, mais le nombre conséquent d’œuvres présentes fait que vous y passerez forcément plusieurs heures. A recommander aussi bien aux fans qu'aux curieux.

Pour info, si vous y allez le week-end, sachez que des billets coupe-file sont disponibles sur les sites de la Cinémathèque et de la Fnac. Suivez le liens ci-dessous qui vous permettra de faire le plein d'infos :

http://www.cinematheque.fr/fr/expositions-cinema/printemps-2012-tim-burto/