vendredi 17 août 2012

Le samouraï



Réalisation : Jean-Pierre Melville
Scénario : Jean-Pierre Melville et Georges Pellegrin
Avec : Alain Delon, Nathalie Delon, François Périer
Durée : 1h45mn
Année : 1967

L'histoire :
Jeff Costello est un tueur à gages. Alors qu'il sort du bureau où git le cadavre de Martey, sa dernière cible, il croise la pianiste du club, Valérie. En dépit d'un bon alibi, il est suspecté du meurtre par le commissaire chargé de l'enquête. Lorsqu'elle est interrogée par celui-ci, la pianiste feint ne pas le reconnaître. Relâché, Jeff cherche à comprendre la raison pour laquelle la jeune femme a agi de la sorte.


Le Samouraï fait partie des grands classiques de Jean-Pierre Melville. D'ailleurs, on ne compte plus les talentueux réalisateurs qui s'en sont inspiré : Jim Jarmusch (Ghost Dog), John Woo (The Killer), ... Le film est devenu le maître-étalon pour les histoires de tueurs à gage solitaires vivant selon leur propre code. Je trouve d'ailleurs que Ghost Dog reste son plus bel hommage allant même jusqu'à reprendre la thématique du Bushido.

Alain Delon fait preuve plus que jamais d'un charisme incroyable. Pour preuve, il est quasiment mutique pendant le film et ne parle qu'avec parcimonie. Il réussit à retranscrire son personnage avec des postures, un regard et des silences. Son personnage de tueur est méthodique et ne laisse transparaître aucune émotion. L'appartement de Costello reflète le caractère du personnage, froid sans fioriture. Le Paris représenté par Melville est également très stylisé avec ses ruelles froides et son club de jazz.

On retrouve d'ailleurs cette froideur dans la photographie du film avec sa tonalité très grise et bleu, presque métallique. Le cadrage de Melville est extrêmement précis et virtuose, rien n'est laissé au hasard. Une des scènes marquantes du film en terme de réalisation est notamment la rencontre de Costello avec l'homme qui est censé lui remettre l'argent. La caméra posée face à chaque acteur en champ / contre-champ, droite et centrée, puis tout à coup ce travelling rapide à travers les barreaux du pont d'en face qui donne cette impression de chaos et de surprise.

Le Samouraï est pour résumer tout à fait représentatif de l'univers du cinéaste, dont le style et les personnages sont tellement reconnaissables qu'ils ont donné naissance au qualificatif melvillien. Honneur donné seulement aux plus grands.




samedi 11 août 2012

Faux-semblants (Dead Ringers)



Réalisation : David Cronenberg
Scénario : David Cronenberg et Norman Snider, d'après le roman Twins de Bari Wood et Jack Geasland
Avec : Jeremy Irons, Geneviève Bujold, Heidi von Palleske
Durée : 1h56mn
Année : 1988

L'histoire :
Deux vrais jumeaux, Beverly et Elliot Mantle, gynécologues de renom, partagent le même appartement, la même clinique, les mêmes idees et les mêmes femmes. Un jour, une actrice célèbre vient les consulter pour stérilité. Les deux frères en tombent amoureux mais si pour Elliot elle reste une femme parmi tant d'autres, pour Beverly elle devient la femme. Pour la première fois les frères Mantle vont penser, sentir et agir différemment.


Quand Cronenberg s'attaque à un sujet tel que la gémellité, on peut s'attendre à quelque chose de hors norme. Comme a pu le prouver sa filmographie (avec des classiques comme Vidéodrome ou La mouche), la thématique qui passionne ce réalisateur est bien le corps humain et ses mutations, toujours à la frontière du sensuel et de l'horreur. La femme qui créera le lien et la dissension entre les deux frères est une patiente qui souffre d'une malformation rare. La scène du cauchemar de Beverly nous rappelle de désir sexuel et de malformation que l'on retrouve entre autres dans des films comme Vidéodrome justement ou Crash.

Le traitement de ces deux frères jumeaux tend beaucoup vers la schizophrénie, sentiment renforcé par le fait qu'ils soient incarnés par un seul et même acteur, Jeremy Irons. On saluera d'ailleurs sa prestation tant il arrive à jouer sur les caractères et à différencier les personnages, à tel point qu'on ne peut confondre Beverly et Elliot à aucun moment dans le film.

On remarquera également cette touche particulière dans les costumes et les outils des gynécologues avec leur tenue rouge intégrale qu'ils revêtent pour leurs opérations chirurgicales. La scène où les assistants habillent Beverly qui se tient les bras en croix donne une impression de préparation à un rituel (service religieux, sacrifice ?). Lorsque Beverly commence à perdre pied, il conçoit des ustensiles étranges dont la forme tient plus de l'organique que du mécanique (je vous laisserai découvrir la finalité de ces objets étranges).

On a donc droit ici à un grand film mêlant la terreur et la sensualité avec une grande profondeur des personnages et qui nous emmène dans une expérience étrange et perturbante.





jeudi 9 août 2012

Les 14 amazones (十四女英豪)



Réalisation : Cheng Kang et Tung Shao-yung
Scénario : Cheng Kang
Avec : Lily Ho, Ivy Ling Po, Lisa Lu
Durée : 2h03mn
Année : 1972

L'histoire :
Trahis par un ministre véreux, les célèbres guerriers chinois de la famille Yang sont anéantis par l'armée du Roi du Hsia de l'Ouest.
Deux généraux ayant échappé au massacre annoncent la terrible nouvelle aux 14 veuves et filles Yang dirigées par la Grande Dame She Tai Chun. Profondément attristées mais également révoltées, les Amazones sont déterminées à partir sur le front pour défendre leur pays et venger les membres de leur famille, avec une nouvelle armée composée essentiellement de femmes.


L'intérêt de l'histoire est ici de mettre en avant les femmes dans la guerre, alors qu'elles sont habituellement laissées derrière à attendre le retour des hommes. Mettre en avant des héroïnes dans le cinéma chinois n'est pas un fait exceptionnel, car ce type de récit est classique dans la littérature et l'opéra. De toute façon, on remarquera que le héros, qu'il soit un homme ou une femme, n'est là que pour servir son pays (voir la scène ou l'héroïne doit choisir entre sauver son fils ou sauver son pays...).

Les 14 amazones donne la part belle à l'action. C'est un film à grand spectacle qui, comme avec la plupart des films de la Shaw Brothers, a comme objectif le pur divertissement. Et dans ce domaine, le film de Cheng Kang est un modèle du genre. L'histoire est excellente et fait honneur à la littérature d'aventure chinoise, les combats sont là à foison et comme souvent superbement chorégraphiés.

Le scénario s'inspire à la fois de l'histoire de la Chine et d'un opéra populaire chinois. Le film qui en résulte est une grande production épique. On a droit à plusieurs scènes grandioses dont le fameux pont humain complètement surréel, mais tellement représentatif des films d'aventures classiques chinois. Les héros sont surhumains et se mettent toujours en valeur avec des actions qui font d'eux quasiment des "super-héros".





lundi 6 août 2012

Qu'est-il arrivé à Baby Jane ? (What Ever Happened to Baby Jane?)



Réalisation : Robert Aldrich
Scénario : Lukas Heller, d'après le roman de Henry Farrell
Avec : Bette Davis, Joan Crawford, Victor Buono
Durée : 2h14mn
Année : 1962

L'histoire :
Au temps du cinéma muet, "Baby" Jane est une grande star, une des premières enfants prodiges. Sa soeur Blanche, timide et réservée, reste dans l'ombre. Dans les années 30, les rôles sont inversés, Blanche est une grande vedette, Jane est oubliée. Désormais, bien des années après, elles vivent en commun une double névrose. Blanche, victime d'un mystérieux accident, est infirme et semble tout accepter d'une soeur transformée en infirmière sadique qui multiplie les mauvais traitements...


Qu'est-il arrivé à Baby Jane est centré sur le choc des titans de deux actrices : Joan Crawford et Bette Davis. Le choix d'avoir pris deux grandes stars sur le déclin pour incarner ces soeurs rivales qui rêvent de leur gloire passée est une idée grandiose. Bette Davis est incroyable dans ce rôle de vieille fille perdue dans sa psychose et son alcoolisme. Elle est à la fois ignoble, sadique et pitoyable.

Cette histoire de séquestration d'une femme par sa propre soeur a de nombreuses scènes qui ont inspiré beaucoup de thriller jusqu'à aujourd'hui. Mais au-delà de la simple histoire de prisonnière, ce qui est intéressant est le fait que le film s'attarde sur la psychologie de ces deux soeurs qui restent toutes les deux perdues dans les souvenirs de leur gloire passée. Le côté anti-glamour de l'histoire et les actrices choisies à l'époque n'ont pas dû aider le film à trouver un producteur. Et c'était là l'idée de génie.

Blanche se plait à regarder les rediffusions de ses anciens films à la télévision et à recevoir des lettres de femmes, alors que sa soeur a sombré depuis longtemps dans l'alcoolisme en continuant à regarder sa poupée Baby Jane et en s'habillant comme la petite star qu'elle était. L'affrontement est terrible, le huis-clos est stressant et le suspense constant jusqu'à la révélation finale.




vendredi 3 août 2012

Outrage (アウトレイジ)



Réalisation : Takeshi Kitano
Scénario : Takeshi Kitano
Avec : Takeshi Kitano, Kippei Shiina, Ryo Kase
Durée : 1h49mn
Année : 2010

L'histoire :
Dans une lutte impitoyable pour le pouvoir, plusieurs clans yakuza se disputent la bienveillance du Parrain. Les caïds montent dans l'organisation à coups de complots et de fausses allégeances. Otomo, yakuza de longue date, a vu évoluer ses pairs : des tatouages élaborés et des phalanges sectionnées, ils sont passés à la haute finance. Leur combat pour arriver au sommet, ou du moins pour survivre, est sans fin dans un monde corrompu où règnent trahison et vengeance. Un monde où les héros n'existent pas...


Avec ce film, Takeshi Kitano revient pour la première fois depuis 10 ans au genre qui a fait sa popularité : le film de yakuzas. L'histoire se porte sur les luttes internes dans les clans mafieux pour accéder au pouvoir et récupérer les territoires des voisins. On assiste à une succession constante de trahisons et de coups montés où les chefs sont prêts à tout pour monter les marches du pouvoir.

Il est même parfois presque comique de voir deux "frères" yakuza se piéger entre eux et se revoir après en se disant qu'il s'agit certainement d'un malentendu. Au fur et à mesure de l'avancée du film, on comprend assez vite que personne ne tiendra aucune de ses alliances avec les autres et que c'est le plus malin qui l'emportera.

Contrairement à la plupart des précédents films de yakuza de Kitano, l'histoire et la mise en scène sont très bruts, avec peu de musique. Les scènes de dialogue s'enchainent avec celles des règlements de compte de manière systématique avec son lot de violence bien crue (mention spéciale à la visite chez le dentiste). Comme le dit l'un des personnages du film : "You know you're dealing with the yakuza, right?"... On ne retrouve malheureusement pas le côté poétique et fantaisiste que l'on avait par exemple dans Hana-bi avec les peintures ou Sonatine avec les scènes de jeu sur la plage. On ressentait également cette légèreté avec la musique du grand Joe Hisaishi qui a été longtemps le compositeur de Kitano (et de Miyazaki, soit dit en passant) jusqu'à son film Dolls.

Malgré tout, Outrage reste un bon film dans le genre mafieux, mais pas du niveau des chefs d’œuvre du réalisateur. A noter que la suite Outrage Beyond arrive en fin d'année et sera présentée à la Mostra de Venise en septembre.




jeudi 2 août 2012

Œil pour œil (Day of the Woman)



Réalisation : Meir Zarchi
Scénario : Meir Zarchi
Avec : Camille Keaton, Eron Tabor, Richard Pace
Durée : 1h41mn
Année :  1978

L'histoire :
Jennifer, jeune écrivain décide de partir à la campagne pour y écrire son futur roman. Sur place, les autochtones semblent charmants et l’accueillent sans réserve. Il faut dire qu’elle est la seule dans le coin. D’abord avenants, ils se montrent peu à peu envahissants, jusqu’au jour où une simple promenade se transforme en véritable cauchemar...


Le film d'aujourd'hui va nous permettre d'aborder un genre qui a eu ses lettres de noblesse dans les années 70-80 avec des films comme La femme scorpion, L'ange de la vengeance ou La dernière maison sur la gauche. J'ai nommé le Rape & Revenge. Pour ceux qui ne connaitraient pas, le scénario de ce type de film est construit de manière très binaire : le personnage subit une agression (viol, torture, ...) dans un premier temps, et la suite du film est basée sur le cheminement de ce personnage dans sa vengeance (en général, massacrer les agresseurs...).

Nous n'allons pas nous questionner ici sur l'intérêt moral de la chose, mon but n'étant pas de vous faire un cours de philo ou de psycho. Film connu également sous le titre I Spit on your Grave (titre renié par le réalisateur lui-même), Œil pour œil est un classique du genre. En revanche, ce qui peut changer par rapport à d'autres œuvres, c'est que les deux parties du film sont égales sur la durée. En effet, le réalisateur "s'acharne" longtemps sur la jeune fille et on peut dire qu'on suit son calvaire de bout en bout.

L'absence de musique dans tout le film donne un côté brut aux images qui intensifie la violence. On a un contraste très marqué entre des plans de nature paisible qui sont soudain bouleversés par les attaques des agresseurs (opposition qu'on retrouve avec par exemple la femme qui se promène paisiblement sur l'eau avec une barque et l'irruption des hommes dans un bateau à moteur dont le bruit semble déjà agresser la nature).

La deuxième partie du film suit l'enchainement des meurtres des quatre responsables (dont une séquence dans la baignoire bien sadique). Tout devient systématique et la vengeance se fera sans pitié.

En résumé, le film devrait plaire aux amateurs. Quelques défauts l'empêchent de se hisser au niveau des chefs d’œuvre du genre (notamment les acteurs qui sont loin d'être bons côté masculin, mais rattrapés par l’héroïne qui est excellente). Mais certains partis pris en font un film intéressant à découvrir.